SOCIÉTÉ

Majesty La Parole : « Le plus grand pardon serait que Compaoré purge sa peine ».

Artiste slameur burkinabè, Majesty La Parole ou l’homme qui parle en parabole, reste et demeure un artiste engagé. Au cours d’une interview accordée à Vox Kultur ce jeudi 28 juillet 2022, Djibrilou Dembélé à l’Etat-civil, s’est prononcé sur le message de l’ancien Président Blaise Compaoré, rendu public le 26 juillet 2022 par le Porte-parole du gouvernement burkinabè à Kossyam. Pour Majesty La Parole, le message de Blaise Compaoré n’est qu’un jeu politique et celui-ci devrait simplement purger sa peine.

Le Président du Faso a reçu en audience une délégation ivoirienne avec à sa tête Ally Coulibaly, Ministre conseiller du Président Alassane Ouattara, le mardi 26 juillet 2022 au Palais de Kossyam. Cette délégation a apporté un message de l’ancien Président Blaise Compaoré. Dans ce message, l’ancien Président a demandé pardon au peuple du Burkina Faso et à la famille de son prédécesseur, le Capitaine Thomas Sankara. Si d’aucuns saluent cette démarche, certains par contre estiment qu’elle est vide de sens et invitent l’expéditeur de la lettre à rentrer et purger sa condamnation. Parmi ces derniers, figure Majesty la Parole, un jeune artiste slameur Burkinabè.

Pour Majesty La Parole, la lettre de Blaise Compaoré est un jeu politique et n’est pas du tout sincère. Il a indiqué que cette lettre est un canal trouvé par les autorités burkinabè pour aller chercher la compassion de la population.  « Je pense que c’est un plan du pouvoir en place pour accorder l’amnistie à Blaise Compaoré. Je pense également que c’est un jeu politique du MPSR (Ndlr : Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration) pour redorer son blason vu qu’il est beaucoup critiqué parce qu’il n’arrive pas à faire face aux défis sécuritaires. L’avènement du MPSR au pouvoir c’était pour venir vraiment reconquérir le territoire arraché par les groupes terroristes. On constate aujourd’hui qu’ils ne sont pas en mesure de combattre réellement le terrorisme et ils veulent profiter de ces jeux politiques-là pour avoir de la compassion auprès de la population », reste-t-il convaincu.

Le jeune slameur poursuit en affirmant que le plus grand pardon pour Blaise Compaoré serait qu’il vienne purger sa peine. « Le jugement a été fait, Compaoré a été condamné et il doit purger sa peine. Ce sera le plus grand pardon de la famille (Ndlr : la famille du Capitaine Thomas Sankara) à mon niveau », a-t-il dit. Selon lui un pardon ne se demande pas à travers une simple lettre. « Et même si la famille Sankara pardonne cela ne veut pas dire que Compaoré doit échapper à la justice. Du moment où il a été jugé et condamné, il doit venir purger sa peine, ce sera sa manière en tout cas de se faire pardonner à mon avis », a-t-il ajouté.

« C’est l’histoire qui rattrape certaines personnes ».

« C’est plus facile de s’asseoir en Côte d’Ivoire et envoyer une délégation avec une lettre pour venir lire ; le pardon ne se décrète pas. Le pardon c’est pas venir lire un discours devant des caméras, non ! Le pardon c’est un processus, c’est une action et je pense qu’il y’a des démarches à suivre. Sinon cette manière de demander pardon n’est du tout pas la bonne manière, au contraire ça créé encore plus de frustrations. Aujourd’hui l’insécurité a tellement aveuglé les gens que quand on parle de justice, d’aucuns disent que la nation est au-delà de la justice et qu’on doit quand-même enterrer ces questions de justice-là et avancer ; ce qui est impossible parce que sans la justice on peut pas avoir la paix », a expliqué Majesty La Parole.

A la question de savoir si le retour de Blaise Compaoré pourrait contribuer à améliorer la situation sécuritaire, Majesty La Parole estime que les responsabilités doivent être situées. « Ceux qui pensent que c’est en pardonnant à Blaise Compaoré qu’on aura la paix et si réellement tel est le cas, donc c’est dire que c’est Compaoré qui est derrière tout ce qui se passe en ce moment ? Si ce n’est pas lui qui est derrière le terrorisme, en quoi est-ce que en le pardonnant, en le laissant rentrer et vivre comme si de rien n’était, va mettre fin au terrorisme ? Donc il faut vraiment que les responsabilités soient situées et que ceux qui ont commis des actes ignobles soient punis à la hauteur de leurs forfaitures et qu’on avance vers le développement de notre pays », a-t-il laissé entendre.

L’artiste a tenu à rappeler que le combat contre le terrorisme n’a rien à avoir avec le dossier Thomas Sankara. Pour lui c’est 2 choses différentes et c’est l’histoire qui rattrape certaines personnes, qui devraient plutôt s’assumer.

Isaac LASAGNE

Vox Kultur

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