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Kontondia Herbert Thiombiano : « Le conte n’a pas de frontières »

Natif de la cité de Yendabri à environ 200 kilomètres de la capitale Burkinabè, Herbert Thiombiano est auteur de plusieurs livres. Par ailleurs Enseignant du secondaire, le fils de la région de l’Est est diplômé en économie-gestion et finance comptabilité.  Vox Kultur est allé à la rencontre de l’écrivain pour parler littérature.

Qui se cache derrière l’écrivain que vous êtes ?

Né à Fada N’Gourma, au temps des veillées de contes au clair de lune, au temps des initiations, en somme au temps où l’éducation de l’enfant relevait du ressort de tout le monde, de la communauté, mon nom complet est Kontondia Joseph Herbert Thiombiano. Je n’étais pas destiné à aller à l’école des Blancs, mais plutôt à aider mon oncle maternel dans ses travaux. Mais mon père voyant des potentialités en moi, avait changé le cours des choses en m’inscrivant à l’école primaire en septembre 1995, après des mois passés chez l’oncle. Pour mon père j’étais un enfant qui pouvait réussir dans n’importe quel domaine. Grâce à Dieu, je ne pense pas l’avoir déçu de son vivant en ce qui concerne le travail.

En plus de cette casquette d’écrivain que faites-vous d’autre dans la vie ?

Je suis professeur certifié de comptabilité-gestion. Je suis également un consultant formateur qui s’intéresse à la gestion, à la culture et à l’éducation pour apporter sa petite pierre à l’édification de ce pays. Je suis passionné du journalisme, intervenant souvent dans la presse écrite à mes temps libres. 

L’ecrivan Herbert J. H. Thiombiano

Qu’est-ce qui explique le fait qu’un Gestionnaire-comptable de formation s’intéresse-t-il autant à la littérature ? 

Mon amour pour la littérature remonte à l’école primaire, disons à l’enfance. Quand dans une famille, tout le monde s’intéresse au livre, tu ne peux que suivre leurs pas. A mon CE1, mon instituteur, Monsieur Zongnaba, nous donnait souvent des dictées avec pour auteur « D’après un groupe d’élèves burkinabè ». Je n’en revenais pas que des élèves comme moi aient pu concevoir ces textes que je devais écrire sans faire de faute. Et j’avais promis à mon enseignant que j’écrirai aussi. Ma plume a commencé à couler son encre depuis cette période. J’ai beaucoup lu quand j’étais élève. Je me rappelle qu’en classe de 3e en 2004-2005, la bibliothèque CELPAC (ex-CLAC) de Fada N’Gourma a failli retirer ma carte d’abonnement, car je passais mon temps là-bas au milieu des livres et on ne voyait pas le temps que je consacrais aux cahiers de leçons. C’est mon bulletin de notes (meilleure moyenne de la classe) qui m’avait sauvé. Le domaine de la gestion est venu trouver la littérature en moi.

Pourquoi le choix du conte et pas autre genre ?

 Il faut dire que dès le bas âge, j’ai toujours été bercé par les contes. Mon père est celui qui m’a tout appris en matière de contes. J’ai voulu mettre par écrit cet héritage que sont les contes pour l’instruction de l’enfant, qu’il sache qu’il doit chercher à construire positivement son monde en suivant la voie de la sagesse, en écoutant la voix des anciens. Le conte apporte toujours un message pénétrant. Le conte n’a pas de frontières. A chaque passage, tirez du conte l’ingrédient utile pour votre esprit, il en restera toujours pour l’autre. Pour préserver les contes, ce trésor ancestral, j’ai pris ma plume aux mots sans maux. Je m’intéresse aux autres genres littéraires comme le roman, la poésie, la nouvelle, ayant déjà leurs manuscrits presque terminés. D’ailleurs, mon premier livre devait être un roman que j’ai fini d’écrire quand j’étais en classe de 3e. Malheureusement, le sort en a décidé autrement car le manuscrit a été dévoré à l’époque par des termites.

Quelle est votre bibliographie ?

 Je suis auteur de 2 recueils de contes qui ont pour titres « Massaali en quête du monde » publié en 2014, réédité en 2016 et 2020 et qui a remporté le Grand prix national des arts et des lettres (GPNAL) à la SNC 2014 ; « L’Initié du Soleil » publié en 2019. Dans le domaine de l’enseignement, je viens de publier deux œuvres didactiques « Le secret des Mathématiques financières » en 2020, « Tables financières » en 2020 également.

Quand trouvez-vous du temps pour écrire ? 

Avec les différentes occupations sociales ou professionnelles, ce n’est pas facile d’avoir un temps fixe pour écrire. Pour moi il n’y a pas de temps fixe pour écrire. Pendant la nuit comme dans la journée, peu importe le moment, le lieu. Quand l’inspiration est là et qu’on a quelques secondes libres pour soi, on peut écrire. Mais je reconnais que la nuit, à une heure avancée où l’inspiration coule souvent à flot, c’est le temps idéal pour écrire.

A qui s’adresse vos écrits et pourquoi ? 

Mes écrits s’adressent à tout le monde. Quand je prends les contes, ils ne sont pas destinés seulement aux enfants. L’écrivain Amadou Hampaté Bâ l’avait souligné dans son préambule au conte initiatique « Kaïdara », en rappelant que le conte intéresse les enfants, les adultes et mêmes les personnes du troisième âge ou mentons velus. Je dirai que quel que soit le genre littéraire dans lequel j’écris, je fais tout pour que le public cible reste toutes les tranches d’âges, même si je mets plus l’accent sur la jeunesse, espoir de demain.

Recevez-vous souvent des critiques ou encouragements de vos lecteurs ou doyens auteurs ? Comment les appréciez-vous ?

Je reçois des félicitations et des encouragements de la part des lecteurs. Quand ton livre a pu apporter le sourire à quelqu’un, quand ton livre donne de l’espoir à une personne, c’est un sentiment qui ne peut que te pousser à persévérer dans le bon travail. C’est le lecteur qui fait l’écrivain. Un livre sans lecteur ne doit pas être appelé livre. J’ai eu les encouragements des doyens auteurs. Je peux citer l’officier de gendarmerie William Combary qui a été le 1er à me recevoir et à me donner des conseils, Docteur Dramane Konaté qui a cru en moi en préfaçant mon deuxième livre « L’Initié du Soleil » et en l’éditant, Professeur Vincent Ouattara par ailleurs préfacier de mon 1er livre « Massaali en quête du monde ». J’ai été reçu également par le trésor humain vivant, Maître Titinga Pacéré, qui m’a prodigué des conseils et m’a encouragé à aller au bout de mes rêves. J’ai élargi mon cercle d’amis grâce à mes livres.

A quand la prochaine parution ? Et quelle est sa coloration ?

Je vous donne rendez-vous en 2021 pour parler de poésie, de nouvelle ou encore de conte. Il faut dire que j’ai des tas de projets littéraires et Dieu seul sait quel livre sortira le 1er en 2021. Tout ce que j’écris, je m’assure l’aimer moi-même avant de le proposer à l’autre. Mes manuscrits ne parlent que de l’espoir, de la culture de la paix et de l’amour dans un style qui captivera, je l’espère bien, le lecteur.

 Si vous devriez faire un choix entre l’enseignement et l’écriture ? 

J’écris pour exhumer ce qui est enfoui en moi et qui peut être utile à l’autre. Je savais depuis l’école primaire que je deviendrai écrivain, même si l’amour pour l’enseignement remonte aussi à cette période. Pourrais-je faire un choix ? Non ! Pour moi, l’enseignement et l’écriture sont liés. Si un jour je dois revenir sur terre, je tiendrai toujours ma craie d’enseignant et ma plume d’écrivain.

Quels sont les différents prix que vous avez reçus et en quelle année ?

J’ai obtenu le 1er prix littéraire dans la catégorie conte en 2012 et en 2015 organisé par le Club littéraire et artistique de l’université de Koudougou (CLAUK). Au plan national, j’ai remporté le GPNAL, genre conte en 2014 à la Semaine nationale de la Culture. A l’international, je viens d’être lauréat du 2e prix international de traduction en langues nationales le 31 août 2020.

Dites-nous-en plus sur cette compétition internationale de traduction

Ce concours international a été organisé par les éditions+ afin d’inciter les écrivains à écrire en langues nationales et les lecteurs à savourer de plus en plus les œuvres écrites dans ces langues. Ce concours a été ouvert tant aux écrivains confirmés ou en herbe, qu’aux simples amoureux des lettres. Chaque candidat devait traduire dans une langue nationale de son choix, le poème « Lettre ouverte au projectile », extrait du chant poétique « Ce Pays Sous Ma Peau » du poète Congolais Maha Lee Cassy. Le concours a débuté le 1er août 2020. Selon le journal malgache News Mada du 2 septembre 2020, environ 300 candidats ont participé à ce concours. 7 d’entre eux ont accédé à la finale, parmi lesquels 5 de Madagascar, 1 du Burkina Faso (moi-même) et 1 de R.D. Congo. A la délibération du jury le 31 août 2020, j’ai eu le 2e prix international, le grand prix ayant été remporté par un candidat de Madagascar et le 3e prix par celui de RD Congo. Les textes lauréats seront publiés dans un livre collectif.

Qui est cet autre écrivain qui vous inspire ou qui vous a le plus inspiré ? 

Au Burkina Faso, l’une de mes idoles en littérature demeure le regretté et immortel Patrick Gomdaogo Ilboudo, auteur de l’hymne national du Burkina Faso et lauréat du Grand Prix littéraire d’Afrique noire (GPLAN) en 1992. J’ai aimé son style, le message qu’il fait passer à travers ses œuvres. Il demeure mon modèle, même s’il ne vit plus. Pour lui rendre hommage, j’avais postulé au GPLAN 2019 en France avec mon œuvre « L’Initié du Soleil » et j’espérais le remporter. Malheureusement, le prix a été annulé à cause de la maladie COVID-19. Hors du Burkina Faso, il y a l’écrivain Malien Amadou Hampaté Bâ dont j’ai dévoré la plupart des livres, le Camerounais Francis Bebey ou l’écrivain Roumain Virgil Gheorghiu. Il faut dire que ce qui me frappe chez ces auteurs, c’est leur style littéraire et la portée du message de leurs œuvres. Avec ces auteurs, j’ai appris qu’une belle œuvre sans message n’est qu’une coquille vide.

Aimeriez-vous ajouter ou revenir sur un point avant de clore cet entretien ?

Merci pour ce que vous faites pour la promotion de la littérature et des écrivains. Vous êtes la première presse au Burkina Faso à parler du prix international que j’ai remporté depuis le 31 août 2020. Depuis, aucune autorité ni aucune presse ne m’a approché pour échanger par rapport au prix. La valorisation de nos compétences commence par là. Nos autorités doivent promouvoir davantage la littérature, soutenir les écrivains car ils sont promoteurs de notre culture et acteurs du développement. Comme je le dis toujours, il n’y a pas de développement sans éducation, pas d’éducation sans école, pas d’école sans livre, pas de livre sans écrivain. Merci à ceux qui ont toujours cru en moi, qui ont toujours vu en moi un jeune aux potentialités qu’il faut soutenir, un jeune qui contribue à sa manière à la construction de cette belle nation.

Entretien réalisé par Isaac LASAGNE

 

 

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